Comrades 2010 un récit personnel

Il est 5.15 le 29 mai 2009, et  je suis sur la ligne de départ de Comrades, Ultra-Marathon de 90Km, reliant les villes de Pietermaritzburg et Durban en Afrique du Sud. C’est ma douzième participation à cette course qui me tient particulièrement à cœur car elle a lieu dans le pays  dont je suis originaire, bien qu’ayant passé la plus grande partie de ma vie en Europe.

Depuis que j’ai commencé à courir, je fais ce « pèlerinage » tous les ans, tel l’oiseau migrateur pour rendre visite à ma famille et participer à l’événement, qui est, il faut bien le dire, hors du commun. Les superlatifs manquent pour le décrire car  il est de loin « l’ultra » qui rassemble le plus de coureurs au monde, jusqu’à 20 000 certaines années. Ils viennent de partout ;  il y a des passionnés, d’autres visent un podium et les primes qui vont avec, d’autres encore veulent simplement terminer cette course mythique, véritable institution en Afrique du Sud, où chacun rêve de l’avoir fait au moins une fois dans sa vie !

Mais 2009 restera gravé dans ma mémoire encore plus profondément, car cette année-là, ma sœur Manya venait de remporter une bataille encore plus dure, contre un cancer du sein, et nous avions décidé, pour marquer le coup, de prendre le départ ensemble.

Il fait froid, encore nuit, c’est l’hiver austral  à 1000m d’altitude ! Nous sommes dans nos sas respectifs, entourés d’une foule dense et hétéroclite. Debout depuis 2 heures du matin pour avaler mon porridge habituel avec un café noir, et rejoindre le départ situé devant l’Hôtel de Ville, à pied avec mon Père qui prendra ensuite sa voiture pour nous retrouver et nous encourager à mi-parcours, soit 45 km de course et qui correspond à la ville de « Drummond ». Ensuite, lorsque nous serons passées toutes les deux, il se dirigera vers le Sahara Stadium de Durban pour nous accueillir !

Nous sommes 15000 dans nos sas respectifs allant de A  à J,  en fonction du temps qualificatif au Marathon qui est obligatoire. On attend, on s’affaire,  on s’affole, on enjambe le grillage… La marée humaine prête à en découdre est constituée de tous les âges, tous les niveaux et tous les horizons, partageant l’unique but de franchir la ligne d’arrivée et devenir ainsi un « Comrades Hero ».                      Un coureur me félicite sur mes 11 participations car leur nombre ainsi que mon prénom et ma nationalité sont inscrits sur le dossard de couleur verte que je porte, attribué aux personnes ayant terminé l’épreuve 10 fois  et qui composent le « Green Club ». Je suis dans le sas C, Manya dans le H, la route est longue et nous avons décidé de courir chacune à notre rythme.

J’entends le commentateur et ressens la nervosité ambiante, mais je suis dans mes pensées,  je revois mes 6 derniers mois d’entrainement constitué de quelques Marathons et autres Ultras, me permettant d’accumuler les1800Km théoriquement nécessaires à bien gérer  Comrades, mais je pense surtout à Manya, qui après des mois de chimio et radiothérapie, en rémission de son cancer, a décidé de prendre le départ de cette course mythique pour fêter sa victoire sur la maladie.

Tout d’un coup, plus un bruit devant l’historique mairie de Pietermaritzburg, théâtre de tant de départs… Nous avons la chair de poule, soudain « Chariots of Fire » résonne dans le silence du petit matin, suivi de peu par l’enregistrement du fameux  cocorico de Max Trimbourn, qui donnait le départ des premières éditions, le coup de feu du starter et c’est parti…

On traverse Alexander Park, banlieue endormie de Pietermaritzburg, direction Polly Shorts première descente raide et assez longue, située à 8Km du départ, et qu’il faut absolument éviter de dévaler, au prix de finir la course sur les rotules ! Une année sur deux, dans l’autre sens lors du « Up Run » qui relie Durban à Pietermaritzburg, cette côte se dresse en véritable juge de paix à quelques 8Km de l’arrivée.

Le soleil commence à se lever, on se débarrasse des vêtements superflus, car au départ la température est  très fraiche, mais peut atteindre les 30° vers midi ! Au loin on aperçoit la brume sur la « Vallée des Mille Collines » pays des Zoulous, et probablement la plus belle partie du parcours, constitué essentiellement de montagnes Russes. Quelques spectateurs encore emmitouflés trainent alentour, tout en préparant leur barbecue, car ils vont passer la journée ici et surtout ailleurs à regarder passer les coureurs, tout en mangeant saucisses et autres viandes grillées, qui embaument les lieux, et retournent généralement le cœur de moult coureurs, surtout les non-initiés à ce deuxième sport national qu’est le barbecue en Afrique du Sud !

La route est rarement plate. On passe devant un champ de vaches et de chevaux, on monte vers Ashbourne,  on se désaltère à Mpushini, un des 55 ravitaillements que compte la course- il y a de tout eau, boissons et barres énergétiques, bananes, chocolat, gâteaux bonbons… Vu le nombre et la fréquence des ravitaillements, ce n’est pas aujourd’hui qu’on mourra de faim ou de soif. D’ailleurs Comrades est une des rares courses au monde comptant des cas de décès par surhydratation. Il faut en effet savoir que c’est beaucoup plus dangereux que la déshydratation !

On passe sous l’autoroute, et on se dirige vers Umlaas road, point culminant de la course. A présent, les coureurs sont plus espacés, le soleil commence à chauffer, une trentaine de km sont déjà derrière nous et les choses sérieuses vont pouvoir commencer !

En point de mire « Inchanga », la redoutable colline annonciatrice de la mi-course qu’il va falloir monter et descendre pour prétendre passer sous la bannière, mais avant, un des moments les plus émouvants car nous passons devant Ethembeni : une maison d’accueil pour enfants handicapés, en chaise roulante ou en béquilles, vêtus en uniforme scolaire bleu et blanc, sourire aux lèvres et tendant la main tout en encourageant les coureurs. C’est un moment chargé d’émotion, qui redonne du baume au cœur en vue de ce qu’il nous reste à accomplir !

La montée d’Inchanga est probablement la plus dure, certains marchent d’autres trottinent. Arrivés en haut on a une vue exceptionnelle sur le Zoulouland, et pour la première fois on devine la mer à  l’horizon! Nous descendons avec en point de mire,  au loin et en contrebas la fameuse bannière signant la mi-course, et devinons déjà le bruit des spectateurs, du speaker, de la musique ainsi que le chant des mineurs Zoulous. L’idée de voir bientôt mon père me stimule, et c’est les cuisses en feu et le moral au beau fixe que je l’aperçois,  sourire aux lèvres, une bière à la main m’attendant au point habituel. Il m’accompagne en m’encourageant sur une centaine de mètres, me dit que je suis dans les temps et que le plus dur est fait, et me donne rendez-vous à l’arrivée. Il est vrai qu’après Drummond, le profil est majoritairement descendant, alors qu’avant ce sont des montagnes Russes, mais cela ne rend pas le parcours facile, loin s’en faut.

Après le ravitaillement et l’enregistrement du temps intermédiaire, on grimpe vers « Bothas’Hill », dur dur après l’euphorie de la mi-course. Avant d’atteindre le sommet on passe devant le mur d’honneur de Comrades, ou figure la plaque commémorative de certains coureurs.

Nous quittons le pays des Zoulous, et prenons la direction de « Hillcrest » ville constituée de villas dans les hauteurs. A présent ce sont des centaines de spectateurs qui nous encouragent tout en piqueniquant et qui adorent voire passer les coureurs du matin au soir. Il reste 30 km, et selon Tim Noakes, s’est maintenant que la course commence.

Il ne croit pas si bien dire car nous allons attaquer la redoutable descente de « Fields Hill », 3Km qui serpentent à l’infini, constituée d’un pourcentage plus que respectable, et qui à ce moment de la course représente un véritable supplice pour les quadriceps ! Ensuite nous traverserons la ville ombragée de « Pinetown » à la sortie de laquelle nous attend une dernière petite bosse : « Cowies Hill ». Il reste 18Km pour une bonne part assez ingrats car courus sur l’autoroute, suivis de 4 ou 5 Km de banlieue avant d’attaquer le « Golden Mile » dans le centre de Durban et qui nous mènera à l’arrivée.

Epuisés et meurtris, sous les acclamations d’un stade rempli à ras bord,  nous franchissons enfin la ligne libératrice ! Les cris d’encouragements sont les mêmes du premier au dernier qui termine en 11H59’59’’ : ‘The last man in’  aura également droit à son prix bien qu’il aura mis plus de deux fois le temps du vainqueur. Voilà  l’esprit de Comrades : on est tous des héros, du premier au dernier !

Ce jour-là j’aurais mis 9H51, et ma sœur Manya 11H40, soit 20 minutes de moins que le temps limite, une magnifique victoire sur sa maladie…

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Un peu d’historique ……………..

 

En termes de participation Comrades est sans doute le plus grand ultra-marathon au monde qui rassemble jusqu’à 20 000 coureurs chaque année pour parcourir 90km dans la Vallée des 1000 collines au pays des Zulus et cela depuis presque 90 ans.

Elle change de sens tous les 2 ans et réunit les villes de Durban sûr la côte Indienne et Pietermaritzburg.

Durban – Pietermaritzburg = « up-run » avec 1800m de dénivelé +

Pietermaritzburg – Durban = « down-run » avec 1200m de dénivelé +

Comrades est né le 24 mai 1921 quand Vic Clapham a décidé d’organiser une course de 56 miles avec 34 pionniers en mémoire de ses camarades tombés lors de la Grande Guerre de 1914 – 1918  en Afrique de l’est où ils avaient marché pendant 1700 miles soit 2720 km souffrant de la chaleur et de la soif.

Quelques faits surprenants ………….

 

  • Wally Hayward qui gagna la course en 1930 est retourné en 1988 à l’âge de 80 ans pour terminer la course en 9h44 – et a battu la moitié des coureurs cette année-là !
  • Dave Rogers a participé à 44 éditions et Clive Crawley à 42
  • C’est seulement en 1975 que Comrades a accepté la participation d’athlètes de couleur et de féminines !
  • Le record féminin de Frith Van der Merwe en 1989 – 5.54.07 n’a pas encore été battu à ce-jour. Elle est arrivée 15ième au classement général ! Bravo à cette petite institutrice !
  • Si on a plus de 25 participations à son actif on a la gratuité de la course.
  • En 2000 il y a eu plus de 23 000 inscrits !
  • Quelques champions français qui sont partis participer au Comrades : Pascal Fétizon, Thierry Guichard, Karine Herry, Huguette Jouault
  • Bruce Fordyce a gagné Comrades 9 fois

Les Médailles ………

L’or ……. Pour les premiers 10 hommes et femmes au scratch

L’argent ………….. Entre 6h et en dessous de 7h30

Le Bill Rowan ……….. Entre 7h30 et en dessous de 9h

Le Bronze …………….Entre 9h et en dessous de 11h00

Le Vic Clapham ………….Entre 11h et en dessous de 12h00

Back to Back …………pour les néophytes qui enchaînent un up et down run

Wally Hayward ………..pour les coureurs qui arrivent en dessous de 6 heures sans être dans les premiers 10 au scratch

Le temps de course est limité à 12 heures

Quelques Statistiques ………………….

 

46 ravitaillements

1350 litres de Coca

350,000 sachets de Powerade

1, 100, 000 sachets d’eau

5,4 tonnes de bananes

448 filets d’oranges

1 tonne de chocolat

2 tonnes de pommes de terre

400 kg de biscuits

400, 000 bouteilles en plastique

2500 poubelles

750 tubes de crème anti-inflammatoire

Et encore ………..

 

16 ambulances

1 hélicoptère

8 postes de secours

8 postes de « massage »

40 médecins et 20 infirmières à l’arrivée

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A Runner, Business Woman and fighter for Autism.
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